Lola Lafon
Chavirer
Edition Actes Sud, 2020 (200 pages)
Cléo, un chavirage silencieux
Âgée
de 46 ans et élevée entre Sofia, Bucarest et Paris, Lola Lafon est en même
temps chanteuse et compositrice. Cette année, elle publie Chavirer, son
sixième roman édité chez Actes Sud et pour lequel elle remporte le prix
Landerneau des Lecteurs décerné par un jury de 230 lecteurs. Défendant le
féminisme, Lola Lafon nous présente l’histoire de Cléo, une jeune fille qui
rêve de devenir une danseuse célèbre de modern jazz sur les grands plateaux de
New York. « Tant de nouveautés dans la vie de Cléo », déclare le
narrateur. Croyant qu’elle a tenu le fil de ses rêves, cette jeune fille
découvre qu’elle a en fait été trompée par Cathy, une femme qui l’intègre à
Dans
Chavirer, Lola Lafon, une ancienne danseuse comme Cléo, dénonce les
secrets morbides d’un groupe de danseuses qui intègrent la même fondation. Elle
nous transporte dans les coulisses en dévoilant tout ce que nous est invisible.
Face au public, ces jeunes filles presque nues, sourient, tournent, sautillent,
s’agitent, chavirent, exécutent une danse qui n’est pas la leur, dessinent un
sourire qui n’est pas le leur. Le
« mentir-vrai » ! Que se passe-t-il donc dans les
coulisses ? Autant de douleurs, de cicatrices, de larmes. Une survie.
Évoquant la danse
populaire, l’homosexualité, la pédophilie, l’oppression sociale,
l’antisémitisme et le racisme, le narrateur esquisse progressivement pour nous
l’image de Cléo à travers l’enchaînement des épisodes. Ces derniers présentent
chacun une partie des 35 années de danse vécues par Cléo (1984-2019), durant
lesquelles défilent les autres personnages du roman : ses parents, son
habilleuse, son médecin, son camarade de classe, son amoureuse, etc. L’histoire
de cette jeune fille est donc dévoilée par celle de ses proches qui, eux-mêmes,
reproduisent son parcours viatique.
« J’ai
quelque chose à dire », proclame-t-elle à sa mère.
En
parlant de chavirement, nous pensons aux personnages qui perturbent Cléo tout
en refusant de l’écouter. À chaque fois, ceux-ci négligent de prêter attention
à ce que Cléo désire leur raconter, ce qui la met davantage dans une situation
de confusion. Ce sont donc les personnages qui provoquent le chavirement de
cette jeune fille. De même, les 35 années de mutisme et de confusion de Cléo se
reflètent dans le style d’écriture imagé de Lola Lafon : Cléo est une
allégorie des douleurs et des souffrances que subissent les danseuses. Le texte
est jalonné de déformations phrastiques, linguistiques et typographiques qui
figurent la confusion de Cléo embarquée dans son naufrage mutique. Par
ailleurs, les 11 chapitres qui composent le roman s’avèrent être des éléments
de construction de la vie de cette jeune fille. D’ailleurs, le récit et le
discours s’entremêlent pour former un texte qui combine les pensées du
narrateur et les dialogues des protagonistes. Et la couverture du roman nous
révèle la multiplicité des facettes de Cléo démantelée.
Cléo ?
Où est-elle ? Cléo est perturbée. Sa voix se dissipe de plus en plus,
celle des autres chavire. Comment peut-elle se pardonner ? Musset
déclare : « À défaut du pardon laisse venir l’oubli ». Entre l’oubli d’une
vie de 35 ans et la honte de l’abandon, une voix souffle
« Je ne suis victime de rien ».
Désignée
par des chiffres et des numéros, Cléo finit par devenir danseuse télé tous les
vendredis et samedis sur le plateau de Michel Drucker. Dansant derrière Withney
Houston et Kim Wilde, sera-t-elle désormais comme les « Claudettes » de Claude
François ou bien une héroïne comme celles de Flashdance, de L’année
des méduses et de La femme publique ?
Cléo
est soumise, Cléo n’est pas une héroïne, Cléo est une femme.
Enfin,
l’histoire de cette femme est envoutante. Lola Lafon ose dévoiler les malheurs
intimes des artistes du XXIe siècle par un tourbillon de mots
audacieux. Évitez de vous perdre, au cours de la lecture, en raison de la
diversité des personnages et de la pluralité des thèmes évoqués et ayez
conscience que les multiples histoires dans le roman sont liées par un fil conducteur,
celui de Cléo que je vous laisse deviner.
Diana
Skayem
Master
2
Département
de Langue et Littérature Françaises
Faculté
des Lettres et Des Sciences Humaines-Section II.
Université
Libanaise
Emmanuel Carrere
Yoga
Edition P.O.L., 2020 (400 pages)
« Au-delà du Yoga »
Au creux de l’été, dans le département du
Var, Emmanuel Carrère nous a conviés à
« Yoga » renvoie à une atmosphère idyllique, à un décollage vers des horizons spirituels et
psychiques apte à nous transporter dans une réflexion profonde sur la
spiritualité et la téléportation. Néanmoins,
Emmanuel Carrère, dans sa quête introspective, marie dans un même livre sa
pratique de la méditation, la dépression sévère qu’il a traversée et les
attentats de Charlie Hebdo. Des atmosphères qui contrastent, s’opposent
mais se côtoient. Yoga raconte ainsi l’illusion d’un idéal
et le dévoilement d’une réalité intérieure tortueuse.
Écrire
sur l’aspiration à la sérénité, à la sagesse ou tout simplement à l’unité de la
conscience – ce vers quoi tend le yoga ou la méditation – et en même temps, sur
la tendance de la conscience à se désagréger est certes perturbant mais
réaliste. Dans la vie, il est susceptible que l’Homme trébuche par une certaine
« espèce de débâcle psychique » à un certain moment. Carrère est le
même homme spirituel qui fait du yoga et par la suite vit une lourde
dépression. C’est la même réalité psychique qui prend des tours différents.
Être
prisonnier de ses spéculations et de son trouble mental n’a qu’un seul remède
pour Carrère : écrire. Dans son roman, il expose et intègre ses idées dans
un récit dont il est le narrateur, à la première personne.
Le courage de Carrère est digne de
respect : courage d’écrire, de se dévoiler, courage d’être transparent
vis-à-vis d’un lecteur anonyme et de partager une expérience psychique d’ordre
intime. Un écrivain qui parle de la méditation, du yoga, de sa bipolarité, de
sa dépression, de son internement,
voilà qui peut en effet être l’objet d’attention.
Par ailleurs, cette bipolarité de caractère se
manifeste aisément dans le choix des titres contradictoires de chapitres tels
que : « c’est compliqué, c’est simple » qui font écho à la
quatrième de couverture.
Selon Proust, le style « c’est donner
à voir une face du monde qui est énigmatique car jamais perçue, ce qui donne
l’aspect de l’étrangeté. » C’est ce que ne fait pas le livre d’Emmanuel
Carrère. Son style oscille entre l’expression d’une intimité grave et un aspect
scientifique rigide sans souci d’esthétique littéraire. Tout, ou presque, est
factuel dans ce livre. Par un certain simplisme de langage et une authenticité
« exagérée » et excessive, Yoga n’exprime pas, il énonce.
Par exemple
dans le roman, nous rencontrons des définitions du type :
“La tachypsychie, c’est comme la
tachycardie, mais pour l’activité mentale.” (Définition que l’on
pourrait trouver dans un dictionnaire de psychologie)
Grâce cependant à une expression suggestive, ce roman donne à penser et ouvre les volets sur une réflexion autour de la condition humaine : “Je continue à ne pas mourir.”
Jamie Helou
Licence 3
Département de Langue et Littérature Françaises
FLSH, section 2
Université Libanaise
Carole Martinez
Les roses fauves
Edition Gallimard, 2020 (352 pages)
Une seconde chance
Nous ne naissons pas solitaires, nous le devenons. Aucune âme ne voudrait errer seule dans un monde balisé de mots cruels, de
lettres, aussi douces et salvatrices en surface que dévastatrices en
profondeur. Personne ne s’enferme de son propre gré, alors nous l’enfermons de
force ; sa liberté lui échappe et ce, parce qu’elle est différente. Être
différent ? J’en ris! Qu’est-ce que la différence ?
Conteuse par nature, tenant ce don de sa grand-mère qu’elle qualifie de
« sorcière » dans son premier roman intitulé Le cœur cousu
paru en 2007, Carole Martinez présente, en 2020, à ses lecteurs son tout
dernier roman, Les roses fauves, édité chez Gallimard, œuvre oscillant
entre le réel et l’imaginaire. Au fait, sommes-nous les auteurs de notre propre
existence ? Nul ne le sait, Lola Cam non plus. Cinq cœurs appartenant à
ses aïeules sommeillent dans son armoire. Cinq cœurs de femmes, voire de mères
mortes qui ne doivent jamais être ouverts. Des bouts de tissus
autobiographiques renfermant les secrets les plus amers de celles qui
l’ont précédée. Que faire si l’un d’eux éclate ? Est-il légitime de
fouiller dans le cœur d’une mère, de plonger dans les profondeurs d’un puits
sans fin ? Lola n’y touchera jamais, elle craint la malédiction. Elle
préfère ne jamais les réveiller… jusqu’au jour où l’un d’eux, celui d’Inès
Dolorès, son arrière-grand-mère, explose et prend la parole sans attendre la
permission de l’héroïne. Aidée par la narratrice, Lola écoutera les confidences
d’un cœur qui décide de battre à nouveau mais ses aveux répondront-ils aux
« pourquoi » que Lola se pose depuis bien longtemps ou bien la
ligoteront-elle davantage ? Pourra-t-elle donner à son propre cœur une
raison de battre, pourra-t-elle s’aimer, avant toute autre chose, malgré son imperfection ?
Qu’adviendra-t-il de ces roses fauves envahissantes, protectrices, de cette
barrière d’épines qui réussit à la protéger, là où son père échoua ?
L’auteure dépose entre les mains de ses lecteurs un roman multiple par
excellence. Ceci est visible dès le titre et ce, grâce à la polysémie des mots
« rose » et « fauve ». En outre, cet ouvrage « quatre
en un » retrace les aventures de quatre femmes, y compris l’histoire d’une
narratrice romancière qui dévoile dans certains chapitres les différents
processus de création de son œuvre, faisant ainsi de chacune le protagoniste de
son propre récit. En effet, la narratrice devient l’amie de Lola Cam et entre-temps
Lola rencontre William D.H., acteur qui interprète le rôle de Pierre, soldat de
Mêlant différents thèmes, allant des plus obscurs comme le harcèlement vers
les plus lumineux comme l’acceptation de soi et le refus d’avoir un destin
tracé par celles qui nous ont précédés, l’écrivaine, à l’aide de son personnage
principal Lola, trace un chemin menant vers une existence heureuse, dépourvue
de toutes chaines et surtout, libre du poids du passé.
Par le biais d’une plume poétique, Carole Martinez permet à ses lecteurs de
s’infiltrer au sein du cœur d’Inès Dolorès et de prendre acte des souvenirs
enfermés dans les pots de confitures de Mauricette pour construire le puzzle de
l’histoire d’amour entre Pierre et Marie. De plus, l’exceptionnelle
construction du roman, qui lie et délie les chapitres, donne l’opportunité aux
lecteurs de lire différentes histoires, d’imaginer plusieurs scénarios et ainsi
de faire la rencontre de nombreux protagonistes.
Lola Cam n’est pas la seule qui a besoin d’être sauvée. Pierre et Marie ne
sont pas les uniques êtres au monde qui souhaitent que leur souvenir ne
s’éteigne jamais. Inès Dolorès n’a pas déchiré son cœur pour rien. Est-ce pour
prévenir, se confier, s’expliquer ou bien par simple courage ? Parce que,
oui, il faut du courage pour ouvrir son cœur : pour celui qui parle, il
n’est pas évident de se dévoiler et pour celui qui écoute, il n’est pas aisé de
ne pas revivre ses propres malheurs. La narratrice avait besoin d’écrire, de
coucher ses personnages entre de beaux draps blancs et de les couvrir de mots
ou de maux. Nous sommes tous une Lola, un Pierre ou une Marie, une Inès ou une
narratrice. Nous avons besoin d’être lus et écrits.
Rita-Maria Zghaib
Licence 3
Département de
Littérature et Langue Françaises
FLSH, section 2
Université Libanaise
Camille
PASCAL
Éditions
Plon 2020 (509 pages)
La
femme au centre de l’Histoire
La chambre des dupes
est le dernier roman de Camille Pascal après le succès remporté avec son roman
historique L’été des quatre rois, qui parut en 2018 et remporta la même
année le Grand prix de l’Académie française. Les deux romans sont historiques
et nous plongent au cœur de l’Histoire de
Historien, Pascal nous
transporte au cœur des intrigues royales centrées autour des infidélités du roi
Louis XV au XVIIIème siècle dans le château de Versailles.
L’importance de ces conquêtes réside dans le fait que les maitresses du Roi,
dites « les favorites », ont un impact capital non seulement sur
Les amours du roi n’ont
pas seulement un impact négatif sur sa relation avec la reine mais aussi avec
sa cour ainsi que sur le reste du peuple français. Car plus le roi s’attache à
la marquise de Toulouse, plus la cour et le peuple sont outragés, pour des
raisons différentes. Pour
Bien sûr, beaucoup de
personnes se poseront la question suivante : pourquoi lire ce roman
historique lorsque l’on connait l’histoire de Louis XV ?
Tout d’abord, l’auteur se
base sur des documents authentiques qu’il utilise tels quels dans son roman, en
particulier la correspondance entre le roi et son amante. Ensuite, le style
particulier de l’auteur nous transporte dans son roman, comme si l’on était
l’un des personnages. L’authenticité des documents mêlée à la fiction de
l’auteur crée une histoire nouvelle, un monde propre à La chambre des dupes.
De même, la femme joue un
rôle très important, un rôle peu évoqué dans les représentations
médiatiques : les femmes manipulent les hommes, et notamment ce sont les
favorites qui manipulent le roi pour détenir un pouvoir « absolu ».
En outre, dans les représentations cinématographiques, la femme joue le rôle de
séductrice sans que son rôle politique ne soit explicitement montré,
contrairement au roman de Pascal où la femme est au centre des complots et de
la politique. D’ailleurs, plus la femme est jeune et belle, plus son pouvoir
est grand.
Bien sûr, ces conquêtes
et ces amours se terminent la plupart du temps en tragédie, surtout en ce qui
concerne les favorites de Louis XV puisqu’elles sont la cause en grande partie
de la misère du peuple, peuple qui développe une rancune farouche contre la
royauté et la famille royale mais qui a cependant pitié de la reine pieuse,
forcée d’endurer les caprices et les infidélités de son mari.
De ce fait, nous arrivons
à la formulation d’une dernière question : pourquoi ignore-t-on la place tenue
par la femme dans l’Histoire ?
Il suffit de lire le
roman de Pascal pour avoir une réponse claire à cette question car dans le
roman, le rôle et la place des femmes dans l’Histoire sont non seulement
rétablis mais permettent de mettre en valeur la faiblesse et la fragilité des
hommes, et plus précisément du roi.
Maria Al Maamary
Licence 3
Département de Langue et Littérature Françaises
FLSH, Section 2
Tobie NATHAN
432 pages
Éditions Stock
Collection «
Déracinement
L'auteur est
romancier et essayiste, juif, naturellement égyptien. Il quitte le Caire en 1957 et s'installe en
France où il est naturalisé français.
C'est cette histoire
instable que Nathan va recréer dans son nouveau livre renfermant 432 pages
étendues sur 33 chapitres. Le titre du livre réfère au pouvoir du peuple
égyptien, « les belles personnes ». Les chapitres ne suivent pas un
ordre chronologique. Certains servent de narration, d'autres de flashbacks
tandis que certains sont consacrés à la présentation de personnages. Leurs
titres sont des phrases élégamment écrites.
Ce roman s'ouvre sur
un incipit, qui comme dans d'autres chapitres, n'est qu'un retour en arrière
sur la vie d'un des protagonistes. Pour reconstituer la trame narrative dans un
ordre chronologique subtilement tracé, il faut remonter à Zohar Zohar :
« Zohar de son nom, Zohar de son prénom » est un Égyptien juif qui a
vécu le « Samedi noir » et l'expulsion des Juifs au Caire, en Égypte.
Le héros arrive à Naples, puis à Paris, délaissant son seul fils, François
Zohar, qui va rencontrer son père après 40 ans.
L'originalité de
cette œuvre consiste en sa crédibilité, sa richesse et son esprit
arabo-francophone.
Dans ce roman,
inspiré de sa propre vie, Toby Nathan revisite cette histoire de déracinement
et expose une époque très émouvante de l’Histoire de l’Égypte : névrose du roi
Farouk ; arrivée de Gamal Abdel Nasser au pouvoir ; expulsion des
Juifs ; islamisation de l’Égypte par les Frères Musulmans ...
De ce fait, ce livre
se veut riche par ces personnages. À chaque protagoniste, qu'il soit principal
ou secondaire, l'auteur réserve un chapitre de présentation proprement dit. Il
présente leur naissance, leur enfance et les événements marquants de leur vie.
Ce phénomène de présentation n'est pas surprenant chez un auteur qui est aussi
ethnopsychiatre et professeur émérite en psychologie.
L'histoire en tant
que thème est reprise d’un roman du même auteur, Ce Pays qui te ressemble,
publié en 2015. Cette thématique se concrétise en fait dans plusieurs des
écrits de Tobie Nathan, affirmant son identité orientale et arabo-francophone.
Si vous êtes à la
recherche d’un livre dense en faits historiques réels et doté d'une trame
narrative suspensive,
Elie El Ahmar
Licence 3
Département de Langue
et Littérature françaises
FLSH, Section 2
Université Libanaise
Saturne
Sarah Chiche
Éditions du Seuil, 208 pages
Dans les ténèbres du
passé
Saturne est un roman écrit par la psychanalyste
et écrivaine française Sarah CHICHE, paru le 10 août 2020 aux éditions du
Seuil, dans lequel elle raconte son autobiographie familiale avec une tonalité
tragique. L’auteure dépeint le tableau d’une enfance obscure privée d’amour
paternel après la mort de son père alors qu’elle n’a que 15 mois. Chaque
chapitre du roman souligne un regard critique sur l’existence, la dimension anthropologique
et la fragilité humaine.
La narratrice de Saturne, privée
de son père, ne construit son image du passé qu’à partir de l’analogon de son
album de photos, des récits de sa famille et de sa mémoire sociale singulière.
Au début du roman, elle nous raconte
l’histoire mouvementée d’un deuil d’enfance avec une succession de plusieurs
évènements du passé, dont le plus important est l’exil de sa famille, qui
quitte l’Algérie pour
Le lyrisme littéraire de Sarah Chiche
est mis en valeur par un texte construit avec des phrases vivantes et qui
ressemble à une toile de peinture donnant à voir un évènement réel du passé, à
l’instar de Guernica de Picasso qui a figuré le désastre espagnol durant
Son enfance fut marquée par la maladie
et le trouble pathologique, son expérience une calamité, un châtiment, une
malédiction, une pénalisation et une répression… Pour ma part, j’ai senti
l’existence d’un sort qui a été jeté sur elle par les dieux, comme dans les
mythes grecs de l’Antiquité ou les histoires tragiques classiques.
Ce roman constitue sans doute le
défoulement d’un inconscient dynamique, une sublimation des tendances refoulées
de la narratrice tout au long de son enfance, et une compensation de ce manque
laminant et torturant. C’est une sorte de révolution contre l’injustice
naturelle existant sur cette terre, contre la mort, l’obscurité, la tempête et
les poussières de ce temps perdu et diabolique.
Saturne est un référent mythologique
utilisé par Sarah Chiche pour exprimer l’image d’un dieu qui a dévoré son fils.
Parallèlement, dans le roman, la mort du père Saturne a dévoré la petite
Sarah ; elle l’a brûlée de l’intérieur avec les flammes de la tristesse,
de la mélancolie, du manque, de l’agonie, de la culpabilité, du déni, du
refus et du suicide existentiel. Or cette mort n’était que le début d’une
entrée dans un purgatoire ou un enfer où la vie s’est transformée en corvée
existentielle.
En guise de conclusion, on ne niera pas
que ce défoulement a permis l’émergence de l’une des œuvres les plus
littéraires du XXIème siècle, intitulée Saturne, où les mots
nous projettent dans le réel et où la littérature s’allie en osmose avec la
psychanalyse freudienne.
Jean EL KHAWAND
Département de Géographie
FLSH 2
Université Libanaise
Saturne
Sarah Chiche
Éditions du Seuil, 208 pages
Saturne peut
être votre place pour être splendide
Saturne est un roman écrit par Sarah
Chiche, publié en 2020 de la maison d'édition Seuil. La page de couverture
montre une image de l'écrivaine avec une couleur grise en arrière-plan qui nous
donne une impression triste et mystérieuse. Le roman pose ainsi rapidement le
ton de la mélancolie et de la tragédie entre ses lignes.
Ce roman est l’histoire d'une femme qui, à
l'âge de 15 mois, a perdu son père à cause d'un cancer au milieu du grand
empire clinique de ses grands-parents. C’est en fait l’histoire de sa famille
immigrante d'Alger et d'un grand amour interdit dans un monde qui n'en accepte
pas.
Saturne est le premier livre de Sarah Chiche
que je lis et j'en suis vraiment touchée. La romancière a une capacité
étonnante à décrire les événements passés avec une précision remarquable. Elle
passe en revue la vie de ses grands- parents à Alger, alors qu’elle n'était pas
encore née, et évoque la mort de son père tandis qu'elle a seulement 15 mois.
Mais la narration nous fait ressentir ce récit comme si, d'une manière ou d'une
autre, elle avait toujours été là avec eux, regardant et écoutant toute la
communauté : " Et je les regarde sortir du cimetière, agrippés les uns aux
autres, ou plutôt, entassés les uns sur les autres dans le fumier de leurs
médiocrités". Les mots de ce roman, les sentiments sincères de ses personnages
et la tristesse de leur vie me fait croire que tous les gens souffrent, sans
exception, et qu'à la fin du jour, nous sommes juste des humains qui aimons
écouter les voix de nos êtres précieux, ressentir la chaleur de leurs bras
autour de nous et passer tous ces moments avec eux. Personnellement, j'ai
vraiment aimé lire Saturne car il répond à beaucoup de questions au fond de
moi.
Malak Waleed
Ahmed
Université de
Bagdad
Faculté des
Langues
Département de Français
Carole Martinez
Les roses fauves
Editions Gallimard, 2020
(352 pages)
Une seconde chance
Nous ne naissons pas solitaires, nous le
devenons. Aucune âme ne voudrait errer seule dans un monde balisé
de mots cruels, de lettres, aussi douces et salvatrices en surface que
dévastatrices en profondeur. Personne ne s’enferme de son propre gré, alors
nous l’enfermons de force ; sa liberté lui échappe et ce, parce qu’elle
est différente. Être différent ? J’en ris! Qu’est-ce que la différence ?
Conteuse par nature, tenant ce don de sa
grand-mère qu’elle qualifie de « sorcière » dans son premier roman
intitulé Le cœur cousu paru en 2007, Carole Martinez présente, en 2020,
à ses lecteurs son tout dernier roman, Les roses fauves, édité chez
Gallimard, œuvre oscillant entre le réel et l’imaginaire. Au fait, sommes-nous
les auteurs de notre propre existence ? Nul ne le sait, Lola Cam non plus.
Cinq cœurs appartenant à ses aïeules sommeillent dans son armoire. Cinq cœurs
de femmes, voire de mères mortes qui ne doivent jamais être ouverts. Des bouts
de tissus autobiographiques renfermant les secrets les plus amers de
celles qui l’ont précédée. Que faire si l’un d’eux éclate ? Est-il
légitime de fouiller dans le cœur d’une mère, de plonger dans les profondeurs
d’un puits sans fin ? Lola n’y touchera jamais, elle craint la
malédiction. Elle préfère ne jamais les réveiller… jusqu’au jour où l’un d’eux,
celui d’Inès Dolorès, son arrière-grand-mère, explose et prend la parole sans
attendre la permission de l’héroïne. Aidée par la narratrice, Lola écoutera les
confidences d’un cœur qui décide de battre à nouveau mais ses aveux
répondront-ils aux « pourquoi » que Lola se pose depuis bien
longtemps ou bien la ligoteront-elle davantage ? Pourra-t-elle donner à
son propre cœur une raison de battre, pourra-t-elle s’aimer, avant toute autre
chose, malgré son imperfection ? Qu’adviendra-t-il de ces roses fauves
envahissantes, protectrices, de cette barrière d’épines qui réussit à la
protéger, là où son père échoua ?
L’auteure dépose entre les mains de ses lecteurs
un roman multiple par excellence. Ceci est visible dès le titre et ce, grâce à
la polysémie des mots « rose » et « fauve ». En outre, cet
ouvrage « quatre en un » retrace les aventures de quatre femmes, y
compris l’histoire d’une narratrice romancière qui dévoile dans certains
chapitres les différents processus de création de son œuvre, faisant ainsi de
chacune le protagoniste de son propre récit. En effet, la narratrice devient
l’amie de Lola Cam et entre-temps Lola rencontre William D.H., acteur qui
interprète le rôle de Pierre, soldat de la Première Guerre Mondiale, amoureux
de Marie qui est considérée comme une femme maudite.
Mêlant différents thèmes, allant des plus obscurs
comme le harcèlement vers les plus lumineux comme l’acceptation de soi et le
refus d’avoir un destin tracé par celles qui nous ont précédés, l’écrivaine, à
l’aide de son personnage principal Lola, trace un chemin menant vers une
existence heureuse, dépourvue de toutes chaines et surtout, libre du poids du passé.
Par le biais d’une plume poétique, Carole
Martinez permet à ses lecteurs de s’infiltrer au sein du cœur d’Inès Dolorès et
de prendre acte des souvenirs enfermés dans les pots de confitures de
Mauricette pour construire le puzzle de l’histoire d’amour entre Pierre et
Marie. De plus, l’exceptionnelle construction du roman, qui lie et délie les
chapitres, donne l’opportunité aux lecteurs de lire différentes histoires,
d’imaginer plusieurs scénarios et ainsi de faire la rencontre de nombreux
protagonistes.
Lola Cam n’est pas la seule qui a besoin d’être
sauvée. Pierre et Marie ne sont pas les uniques êtres au monde qui souhaitent
que leur souvenir ne s’éteigne jamais. Inès Dolorès n’a pas déchiré son cœur
pour rien. Est-ce pour prévenir, se confier, s’expliquer ou bien par simple
courage ? Parce que, oui, il faut du courage pour ouvrir son cœur :
pour celui qui parle, il n’est pas évident de se dévoiler et pour celui qui
écoute, il n’est pas aisé de ne pas revivre ses propres malheurs. La narratrice
avait besoin d’écrire, de coucher ses personnages entre de beaux draps blancs
et de les couvrir de mots ou de maux. Nous sommes tous une Lola, un Pierre ou
une Marie, une Inès ou une narratrice. Nous avons besoin d’être lus et écrits.
Rita-Maria Zghaib
Département de Littérature
et Langue Françaises
FLSH, section 2
Université Libanaise
Maud Simonnot
L’Enfant Céleste
Éditions L’Observatoire, 2020 (176
pages)
L’évasion
Avec L’Enfant céleste – un roman
court, formé de 164 pages – vous allez vous évadez dans le monde des astres et des
étoiles.
Écrit par Maud Simonnot, éditrice et membre du comité de lecture
des Éditions Gallimard, et publié par la maison d’édition L’Observateur, ce
livre vous montrera l’importance d’accorder du temps à vous-mêmes, pour vous
détendre.
L’Enfant céleste parle d’une
femme, Mary, que son conjoint a quittée. Cette dernière était à deux doigts de la
dépression suite à la séparation. De plus, l’échec scolaire de son fils Célian n’a
pas facilité la tâche. Ne pouvant plus supporter son dur présent, elle décide de
tout abandonner et d’aller passer des vacances avec son fils sur une île
tropicale.
L’auteur a pris le temps de décrire les
moindres détails : en lisant ce roman, vous éprouverez la sensation que ces
scènes se déroulent devant vous, tant la description est minutieuse. En vacances, la mère et son fils passent de très bons moments. Passionnés
d’astronomie et surtout de Tycho Brahe (un astronome très célèbre du XVIIème
siècle), ils se baladent de musée en musée à la découverte de nouvelles
informations à propos de ce dernier.
Il est important de signaler que
Célian a le ciel comme refuge. L’astronomie hante ses pensées. Ce dernier
regarde constamment à la verticale et non pas horizontalement. Pour lui, le
ciel est salvateur, c’est le seul endroit où il se sent bien et en sécurité.
Pendant ces vacances, Mary fait la rencontre
d’un très charmant jeune homme. Après avoir discuté et fait connaissance, tous
deux passeront plusieurs nuits ensemble. Mais il n’y a rien de sérieux entre
eux. À la fin du
voyage, Mary s’est sentie enfin prête à tourner la page.
L’auteur nous montre que parfois tout abandonner et partir en
vacances n’est pas une mauvaise chose. Effectivement, l’homme doit s’accorder
du temps pour lui-même, afin de se retrouver, de remettre en question sa vie, son
but et ses rêves.
Alors, chers lecteurs, quand tout ne tourne pas rond chez vous,
n’hésitez pas à boucler vos valises et à réserver vos billets d’avion pour un
voyage d’évasion.
Julie
El Kazzi
Département
de Langue et Littérature Française
FLSH, Section 2
Université Libanaise
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