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Lola Lafon

Chavirer

Edition Actes Sud, 2020 (200 pages)

 

Cléo, un chavirage silencieux 

Âgée de 46 ans et élevée entre Sofia, Bucarest et Paris, Lola Lafon est en même temps chanteuse et compositrice. Cette année, elle publie Chavirer, son sixième roman édité chez Actes Sud et pour lequel elle remporte le prix Landerneau des Lecteurs décerné par un jury de 230 lecteurs. Défendant le féminisme, Lola Lafon nous présente l’histoire de Cléo, une jeune fille qui rêve de devenir une danseuse célèbre de modern jazz sur les grands plateaux de New York. « Tant de nouveautés dans la vie de Cléo », déclare le narrateur. Croyant qu’elle a tenu le fil de ses rêves, cette jeune fille découvre qu’elle a en fait été trompée par Cathy, une femme qui l’intègre à la Fondation Galilée à Paris en lui promettant une « fausse bourse ». Après avoir subi des agressions sexuelles par ses « faux jurés », Cléo s’enfouit dans un gouffre profond de souffrance et de mutisme. Elle finit par être complice du malheur de centaines de jeunes filles aveuglées par le désir et l’ambition. 

Dans Chavirer, Lola Lafon, une ancienne danseuse comme Cléo, dénonce les secrets morbides d’un groupe de danseuses qui intègrent la même fondation. Elle nous transporte dans les coulisses en dévoilant tout ce que nous est invisible. Face au public, ces jeunes filles presque nues, sourient, tournent, sautillent, s’agitent, chavirent, exécutent une danse qui n’est pas la leur, dessinent un sourire qui n’est pas le leur.  Le « mentir-vrai » ! Que se passe-t-il donc dans les coulisses ? Autant de douleurs, de cicatrices, de larmes. Une survie.

Évoquant la danse populaire, l’homosexualité, la pédophilie, l’oppression sociale, l’antisémitisme et le racisme, le narrateur esquisse progressivement pour nous l’image de Cléo à travers l’enchaînement des épisodes. Ces derniers présentent chacun une partie des 35 années de danse vécues par Cléo (1984-2019), durant lesquelles défilent les autres personnages du roman : ses parents, son habilleuse, son médecin, son camarade de classe, son amoureuse, etc. L’histoire de cette jeune fille est donc dévoilée par celle de ses proches qui, eux-mêmes, reproduisent son parcours viatique.

« J’ai quelque chose à dire », proclame-t-elle à sa mère. 

En parlant de chavirement, nous pensons aux personnages qui perturbent Cléo tout en refusant de l’écouter. À chaque fois, ceux-ci négligent de prêter attention à ce que Cléo désire leur raconter, ce qui la met davantage dans une situation de confusion. Ce sont donc les personnages qui provoquent le chavirement de cette jeune fille. De même, les 35 années de mutisme et de confusion de Cléo se reflètent dans le style d’écriture imagé de Lola Lafon : Cléo est une allégorie des douleurs et des souffrances que subissent les danseuses. Le texte est jalonné de déformations phrastiques, linguistiques et typographiques qui figurent la confusion de Cléo embarquée dans son naufrage mutique. Par ailleurs, les 11 chapitres qui composent le roman s’avèrent être des éléments de construction de la vie de cette jeune fille. D’ailleurs, le récit et le discours s’entremêlent pour former un texte qui combine les pensées du narrateur et les dialogues des protagonistes. Et la couverture du roman nous révèle la multiplicité des facettes de Cléo démantelée. 

 

Cléo ? Où est-elle ? Cléo est perturbée. Sa voix se dissipe de plus en plus, celle des autres chavire. Comment peut-elle se pardonner ? Musset déclare : « À défaut du pardon laisse venir l’oubli ». Entre l’oubli d’une vie de 35 ans et la honte de l’abandon, une voix souffle
« Je ne suis victime de rien ».

Désignée par des chiffres et des numéros, Cléo finit par devenir danseuse télé tous les vendredis et samedis sur le plateau de Michel Drucker. Dansant derrière Withney Houston et Kim Wilde, sera-t-elle désormais comme les « Claudettes » de Claude François ou bien une héroïne comme celles de Flashdance, de L’année des méduses et de La femme publique ?

Cléo est soumise, Cléo n’est pas une héroïne, Cléo est une femme.

Enfin, l’histoire de cette femme est envoutante. Lola Lafon ose dévoiler les malheurs intimes des artistes du XXIe siècle par un tourbillon de mots audacieux. Évitez de vous perdre, au cours de la lecture, en raison de la diversité des personnages et de la pluralité des thèmes évoqués et ayez conscience que les multiples histoires dans le roman sont liées par un fil conducteur, celui de Cléo que je vous laisse deviner.

Diana Skayem

Master 2

Département de Langue et Littérature Françaises

Faculté des Lettres et Des Sciences Humaines-Section II.

Université Libanaise

 

Emmanuel Carrere

Yoga

Edition P.O.L., 2020 (400 pages)

 

« Au-delà du Yoga »

 

     Au creux de l’été, dans le département du Var, Emmanuel Carrère nous a conviés à la Villa dite « des papillons », immergée au milieu des figuiers et des chênes, pour nous proposer Yoga. Ce roman, édité par P.O.L en 2020, voit le jour suite à la réalisation d’un reportage autour d’un stage de yoga Vipassana.

 

« Yoga » renvoie à une atmosphère idyllique, à un décollage vers des horizons spirituels et psychiques apte à nous transporter dans une réflexion profonde sur la spiritualité et la téléportation. Néanmoins, Emmanuel Carrère, dans sa quête introspective, marie dans un même livre sa pratique de la méditation, la dépression sévère qu’il a traversée et les attentats de Charlie Hebdo. Des atmosphères qui contrastent, s’opposent mais se côtoient. Yoga raconte ainsi l’illusion d’un idéal et le dévoilement d’une réalité intérieure tortueuse.

 

Écrire sur l’aspiration à la sérénité, à la sagesse ou tout simplement à l’unité de la conscience – ce vers quoi tend le yoga ou la méditation – et en même temps, sur la tendance de la conscience à se désagréger est certes perturbant mais réaliste. Dans la vie, il est susceptible que l’Homme trébuche par une certaine « espèce de débâcle psychique » à un certain moment. Carrère est le même homme spirituel qui fait du yoga et par la suite vit une lourde dépression. C’est la même réalité psychique qui prend des tours différents.

 

Être prisonnier de ses spéculations et de son trouble mental n’a qu’un seul remède pour Carrère : écrire. Dans son roman, il expose et intègre ses idées dans un récit dont il est le narrateur, à la première personne.

 

   Le courage de Carrère est digne de respect : courage d’écrire, de se dévoiler, courage d’être transparent vis-à-vis d’un lecteur anonyme et de partager une expérience psychique d’ordre intime. Un écrivain qui parle de la méditation, du yoga, de sa bipolarité, de sa dépression, de son internement, voilà qui peut en effet être l’objet d’attention.

 

Par ailleurs, cette bipolarité de caractère se manifeste aisément dans le choix des titres contradictoires de chapitres tels que : « c’est compliqué, c’est simple » qui font écho à la quatrième de couverture.

     Selon Proust, le style « c’est donner à voir une face du monde qui est énigmatique car jamais perçue, ce qui donne l’aspect de l’étrangeté. » C’est ce que ne fait pas le livre d’Emmanuel Carrère. Son style oscille entre l’expression d’une intimité grave et un aspect scientifique rigide sans souci d’esthétique littéraire. Tout, ou presque, est factuel dans ce livre. Par un certain simplisme de langage et une authenticité « exagérée » et excessive, Yoga n’exprime pas, il énonce.

Par exemple dans le roman, nous rencontrons des définitions du type :

 La tachypsychie, c’est comme la tachycardie, mais pour l’activité mentale.” (Définition que l’on pourrait trouver dans un dictionnaire de psychologie)

 

     Grâce cependant à une expression suggestive, ce roman donne à penser et ouvre les volets sur une réflexion autour de la condition humaine : “Je continue à ne pas mourir.”

 

Jamie Helou

Licence 3

Département de Langue et Littérature Françaises

FLSH, section 2

Université Libanaise


Carole Martinez

Les roses fauves

Edition Gallimard, 2020 (352 pages)

 

Une seconde chance

Nous ne naissons pas solitaires, nous le devenons. Aucune âme ne voudrait errer seule dans un monde balisé de mots cruels, de lettres, aussi douces et salvatrices en surface que dévastatrices en profondeur. Personne ne s’enferme de son propre gré, alors nous l’enfermons de force ; sa liberté lui échappe et ce, parce qu’elle est différente. Être différent ? J’en ris! Qu’est-ce que la différence ?

Conteuse par nature, tenant ce don de sa grand-mère qu’elle qualifie de « sorcière » dans son premier roman intitulé Le cœur cousu paru en 2007, Carole Martinez présente, en 2020, à ses lecteurs son tout dernier roman, Les roses fauves, édité chez Gallimard, œuvre oscillant entre le réel et l’imaginaire. Au fait, sommes-nous les auteurs de notre propre existence ? Nul ne le sait, Lola Cam non plus. Cinq cœurs appartenant à ses aïeules sommeillent dans son armoire. Cinq cœurs de femmes, voire de mères mortes qui ne doivent jamais être ouverts. Des bouts de tissus autobiographiques renfermant les secrets les plus amers de celles qui l’ont précédée. Que faire si l’un d’eux éclate ? Est-il légitime de fouiller dans le cœur d’une mère, de plonger dans les profondeurs d’un puits sans fin ? Lola n’y touchera jamais, elle craint la malédiction. Elle préfère ne jamais les réveiller… jusqu’au jour où l’un d’eux, celui d’Inès Dolorès, son arrière-grand-mère, explose et prend la parole sans attendre la permission de l’héroïne. Aidée par la narratrice, Lola écoutera les confidences d’un cœur qui décide de battre à nouveau mais ses aveux répondront-ils aux « pourquoi » que Lola se pose depuis bien longtemps ou bien la ligoteront-elle davantage ? Pourra-t-elle donner à son propre cœur une raison de battre, pourra-t-elle s’aimer, avant toute autre chose, malgré son imperfection ? Qu’adviendra-t-il de ces roses fauves envahissantes, protectrices, de cette barrière d’épines qui réussit à la protéger, là où son père échoua ?

L’auteure dépose entre les mains de ses lecteurs un roman multiple par excellence. Ceci est visible dès le titre et ce, grâce à la polysémie des mots « rose » et « fauve ». En outre, cet ouvrage « quatre en un » retrace les aventures de quatre femmes, y compris l’histoire d’une narratrice romancière qui dévoile dans certains chapitres les différents processus de création de son œuvre, faisant ainsi de chacune le protagoniste de son propre récit. En effet, la narratrice devient l’amie de Lola Cam et entre-temps Lola rencontre William D.H., acteur qui interprète le rôle de Pierre, soldat de la Première Guerre Mondiale, amoureux de Marie qui est considérée comme une femme maudite.

Mêlant différents thèmes, allant des plus obscurs comme le harcèlement vers les plus lumineux comme l’acceptation de soi et le refus d’avoir un destin tracé par celles qui nous ont précédés, l’écrivaine, à l’aide de son personnage principal Lola, trace un chemin menant vers une existence heureuse, dépourvue de toutes chaines et surtout, libre du poids du passé.

Par le biais d’une plume poétique, Carole Martinez permet à ses lecteurs de s’infiltrer au sein du cœur d’Inès Dolorès et de prendre acte des souvenirs enfermés dans les pots de confitures de Mauricette pour construire le puzzle de l’histoire d’amour entre Pierre et Marie. De plus, l’exceptionnelle construction du roman, qui lie et délie les chapitres, donne l’opportunité aux lecteurs de lire différentes histoires, d’imaginer plusieurs scénarios et ainsi de faire la rencontre de nombreux protagonistes.

Lola Cam n’est pas la seule qui a besoin d’être sauvée. Pierre et Marie ne sont pas les uniques êtres au monde qui souhaitent que leur souvenir ne s’éteigne jamais. Inès Dolorès n’a pas déchiré son cœur pour rien. Est-ce pour prévenir, se confier, s’expliquer ou bien par simple courage ? Parce que, oui, il faut du courage pour ouvrir son cœur : pour celui qui parle, il n’est pas évident de se dévoiler et pour celui qui écoute, il n’est pas aisé de ne pas revivre ses propres malheurs. La narratrice avait besoin d’écrire, de coucher ses personnages entre de beaux draps blancs et de les couvrir de mots ou de maux. Nous sommes tous une Lola, un Pierre ou une Marie, une Inès ou une narratrice. Nous avons besoin d’être lus et écrits.

Rita-Maria Zghaib

Licence 3

Département de Littérature et Langue Françaises

FLSH, section 2

Université Libanaise

Camille PASCAL

La Chambre des dupes

Éditions Plon 2020 (509 pages)

 

La femme au centre de l’Histoire

La chambre des dupes est le dernier roman de Camille Pascal après le succès remporté avec son roman historique L’été des quatre rois, qui parut en 2018 et remporta la même année le Grand prix de l’Académie française. Les deux romans sont historiques et nous plongent au cœur de l’Histoire de la France.

Historien, Pascal nous transporte au cœur des intrigues royales centrées autour des infidélités du roi Louis XV au XVIIIème siècle dans le château de Versailles. L’importance de ces conquêtes réside dans le fait que les maitresses du Roi, dites « les favorites », ont un impact capital non seulement sur la Cour mais aussi sur toute la France. Puisque le Roi n’a aucun don pour gouverner, les femmes qu’il prend en tant qu’amantes se voient investies de tout le pouvoir, surtout les sœurs de Mailly-Nesle.

Les amours du roi n’ont pas seulement un impact négatif sur sa relation avec la reine mais aussi avec sa cour ainsi que sur le reste du peuple français. Car plus le roi s’attache à la marquise de Toulouse, plus la cour et le peuple sont outragés, pour des raisons différentes. Pour la Cour, la nouvelle favorite a plus de pouvoir qu’aucune autre n’a jamais eu. Pour le peuple, cette nouvelle amante donne de mauvaises idées au roi, des idées qui pour ce peuple déjà appauvri, fatigué et plein de rancœur envers la famille royale et la cour, signifient encore plus de misère et de pauvreté.

Bien sûr, beaucoup de personnes se poseront la question suivante : pourquoi lire ce roman historique lorsque l’on connait l’histoire de Louis XV ?

Tout d’abord, l’auteur se base sur des documents authentiques qu’il utilise tels quels dans son roman, en particulier la correspondance entre le roi et son amante. Ensuite, le style particulier de l’auteur nous transporte dans son roman, comme si l’on était l’un des personnages. L’authenticité des documents mêlée à la fiction de l’auteur crée une histoire nouvelle, un monde propre à La chambre des dupes.

De même, la femme joue un rôle très important, un rôle peu évoqué dans les représentations médiatiques : les femmes manipulent les hommes, et notamment ce sont les favorites qui manipulent le roi pour détenir un pouvoir « absolu ». En outre, dans les représentations cinématographiques, la femme joue le rôle de séductrice sans que son rôle politique ne soit explicitement montré, contrairement au roman de Pascal où la femme est au centre des complots et de la politique. D’ailleurs, plus la femme est jeune et belle, plus son pouvoir est grand.

Bien sûr, ces conquêtes et ces amours se terminent la plupart du temps en tragédie, surtout en ce qui concerne les favorites de Louis XV puisqu’elles sont la cause en grande partie de la misère du peuple, peuple qui développe une rancune farouche contre la royauté et la famille royale mais qui a cependant pitié de la reine pieuse, forcée d’endurer les caprices et les infidélités de son mari.

De ce fait, nous arrivons à la formulation d’une dernière question : pourquoi ignore-t-on la place tenue par la femme dans l’Histoire ?

Il suffit de lire le roman de Pascal pour avoir une réponse claire à cette question car dans le roman, le rôle et la place des femmes dans l’Histoire sont non seulement rétablis mais permettent de mettre en valeur la faiblesse et la fragilité des hommes, et plus précisément du roi.

Maria Al Maamary

Licence 3
Département de Langue et Littérature Françaises
FLSH, Section 2

                                                                                                                                 Université Libanaise  

La Société des Belles Personnes

Tobie NATHAN

432 pages

Éditions Stock

Collection « La Bleue »

 

Déracinement

 

La Société des Belles Personnes  est un roman de Tobie Nathan, publié par Stock le 19 août 2020 dans la collection « La Bleue ».

 

L'auteur est romancier et essayiste, juif, naturellement égyptien.  Il quitte le Caire en 1957 et s'installe en France où il est naturalisé français.

 

C'est cette histoire instable que Nathan va recréer dans son nouveau livre renfermant 432 pages étendues sur 33 chapitres. Le titre du livre réfère au pouvoir du peuple égyptien, « les belles personnes ». Les chapitres ne suivent pas un ordre chronologique. Certains servent de narration, d'autres de flashbacks tandis que certains sont consacrés à la présentation de personnages. Leurs titres sont des phrases élégamment écrites.

 

Ce roman s'ouvre sur un incipit, qui comme dans d'autres chapitres, n'est qu'un retour en arrière sur la vie d'un des protagonistes. Pour reconstituer la trame narrative dans un ordre chronologique subtilement tracé, il faut remonter à Zohar Zohar : « Zohar de son nom, Zohar de son prénom » est un Égyptien juif qui a vécu le « Samedi noir » et l'expulsion des Juifs au Caire, en Égypte. Le héros arrive à Naples, puis à Paris, délaissant son seul fils, François Zohar, qui va rencontrer son père après 40 ans.

 

L'originalité de cette œuvre consiste en sa crédibilité, sa richesse et son esprit arabo-francophone.

 

Dans ce roman, inspiré de sa propre vie, Toby Nathan revisite cette histoire de déracinement et expose une époque très émouvante de l’Histoire de l’Égypte : névrose du roi Farouk ; arrivée de Gamal Abdel Nasser au pouvoir ; expulsion des Juifs ; islamisation de l’Égypte par les Frères Musulmans ...

 

De ce fait, ce livre se veut riche par ces personnages. À chaque protagoniste, qu'il soit principal ou secondaire, l'auteur réserve un chapitre de présentation proprement dit. Il présente leur naissance, leur enfance et les événements marquants de leur vie. Ce phénomène de présentation n'est pas surprenant chez un auteur qui est aussi ethnopsychiatre et professeur émérite en psychologie.

 

L'histoire en tant que thème est reprise d’un roman du même auteur, Ce Pays qui te ressemble, publié en 2015. Cette thématique se concrétise en fait dans plusieurs des écrits de Tobie Nathan, affirmant son identité orientale et arabo-francophone.

 

Si vous êtes à la recherche d’un livre dense en faits historiques réels et doté d'une trame narrative suspensive, La Société des Belles Personnes vous est recommandé.        

 

 

Elie El Ahmar

Licence 3

Département de Langue et Littérature françaises

FLSH, Section 2

Université Libanaise

 

Saturne

Sarah Chiche

Éditions du Seuil, 208 pages

 

Dans les ténèbres du passé 

 

Saturne est un roman écrit par la psychanalyste et écrivaine française Sarah CHICHE, paru le 10 août 2020 aux éditions du Seuil, dans lequel elle raconte son autobiographie familiale avec une tonalité tragique. L’auteure dépeint le tableau d’une enfance obscure privée d’amour paternel après la mort de son père alors qu’elle n’a que 15 mois. Chaque chapitre du roman souligne un regard critique sur l’existence, la dimension anthropologique et la fragilité humaine.

 

La narratrice de Saturne, privée de son père, ne construit son image du passé qu’à partir de l’analogon de son album de photos, des récits de sa famille et de sa mémoire sociale singulière.

Au début du roman, elle nous raconte l’histoire mouvementée d’un deuil d’enfance avec une succession de plusieurs évènements du passé, dont le plus important est l’exil de sa famille, qui quitte l’Algérie pour la France. Ces passages descriptifs, avec une focalisation interne, constituent une explication philosophique angoissante de la mort et du hasard. C’est le roman de l’absurdité, de la phénoménologie et de la perception du deuil, ainsi que de la détresse.

 

Le lyrisme littéraire de Sarah Chiche est mis en valeur par un texte construit avec des phrases vivantes et qui ressemble à une toile de peinture donnant à voir un évènement réel du passé, à l’instar de Guernica de Picasso qui a figuré le désastre espagnol durant la Seconde guerre mondiale. Ses mots expriment la résurrection des souvenirs du passé et le phénomène de la réincarnation du passé dans l’explicite et l’implicite du texte. C’est aussi l’histoire d’une dépression amère qui se termine à la fin par la genèse d’une seconde vie lumineuse, une sublimation du Thanatos en Eros et l’oubli de ce cône noir comme dans le mythe d’Er de Platon. Les couleurs de ses figures de style sont cireuses et reflètent une colère qui se propage des ténèbres de la narratrice vers les profondeurs des lecteurs.

 

Son enfance fut marquée par la maladie et le trouble pathologique, son expérience une calamité, un châtiment, une malédiction, une pénalisation et une répression… Pour ma part, j’ai senti l’existence d’un sort qui a été jeté sur elle par les dieux, comme dans les mythes grecs de l’Antiquité ou les histoires tragiques classiques.

 

Ce roman constitue sans doute le défoulement d’un inconscient dynamique, une sublimation des tendances refoulées de la narratrice tout au long de son enfance, et une compensation de ce manque laminant et torturant. C’est une sorte de révolution contre l’injustice naturelle existant sur cette terre, contre la mort, l’obscurité, la tempête et les poussières de ce temps perdu et diabolique.

 

Saturne est un référent mythologique utilisé par Sarah Chiche pour exprimer l’image d’un dieu qui a dévoré son fils. Parallèlement, dans le roman, la mort du père Saturne a dévoré la petite Sarah ; elle l’a brûlée de l’intérieur avec les flammes de la tristesse, de la mélancolie, du manque, de l’agonie, de la culpabilité, du déni, du refus et du suicide existentiel. Or cette mort n’était que le début d’une entrée dans un purgatoire ou un enfer où la vie s’est transformée en corvée existentielle.

 

En guise de conclusion, on ne niera pas que ce défoulement a permis l’émergence de l’une des œuvres les plus littéraires du XXIème siècle, intitulée Saturne, où les mots nous projettent dans le réel et où la littérature s’allie en osmose avec la psychanalyse freudienne.

 

 

Jean EL KHAWAND

Département de Géographie

FLSH 2

Université Libanaise

 

Saturne

Sarah Chiche

Éditions du Seuil, 208 pages

 

Saturne peut être votre place pour être splendide

 

Saturne est un roman écrit par Sarah Chiche, publié en 2020 de la maison d'édition Seuil. La page de couverture montre une image de l'écrivaine avec une couleur grise en arrière-plan qui nous donne une impression triste et mystérieuse. Le roman pose ainsi rapidement le ton de la mélancolie et de la tragédie entre ses lignes.

 

Ce roman est l’histoire d'une femme qui, à l'âge de 15 mois, a perdu son père à cause d'un cancer au milieu du grand empire clinique de ses grands-parents. C’est en fait l’histoire de sa famille immigrante d'Alger et d'un grand amour interdit dans un monde qui n'en accepte pas.

 

Saturne est le premier livre de Sarah Chiche que je lis et j'en suis vraiment touchée. La romancière a une capacité étonnante à décrire les événements passés avec une précision remarquable. Elle passe en revue la vie de ses grands- parents à Alger, alors qu’elle n'était pas encore née, et évoque la mort de son père tandis qu'elle a seulement 15 mois. Mais la narration nous fait ressentir ce récit comme si, d'une manière ou d'une autre, elle avait toujours été là avec eux, regardant et écoutant toute la communauté : " Et je les regarde sortir du cimetière, agrippés les uns aux autres, ou plutôt, entassés les uns sur les autres dans le fumier de leurs médiocrités". Les mots de ce roman, les sentiments sincères de ses personnages et la tristesse de leur vie me fait croire que tous les gens souffrent, sans exception, et qu'à la fin du jour, nous sommes juste des humains qui aimons écouter les voix de nos êtres précieux, ressentir la chaleur de leurs bras autour de nous et passer tous ces moments avec eux. Personnellement, j'ai vraiment aimé lire Saturne car il répond à beaucoup de questions au fond de moi.

 

Malak Waleed Ahmed

Université de Bagdad

Faculté des Langues

                                                                                                                            Département de Français

Carole Martinez

Les roses fauves

Editions Gallimard, 2020 (352 pages)

 

Une seconde chance

Nous ne naissons pas solitaires, nous le devenons. Aucune âme ne voudrait errer seule dans un monde balisé de mots cruels, de lettres, aussi douces et salvatrices en surface que dévastatrices en profondeur. Personne ne s’enferme de son propre gré, alors nous l’enfermons de force ; sa liberté lui échappe et ce, parce qu’elle est différente. Être différent ? J’en ris! Qu’est-ce que la différence ?

Conteuse par nature, tenant ce don de sa grand-mère qu’elle qualifie de « sorcière » dans son premier roman intitulé Le cœur cousu paru en 2007, Carole Martinez présente, en 2020, à ses lecteurs son tout dernier roman, Les roses fauves, édité chez Gallimard, œuvre oscillant entre le réel et l’imaginaire. Au fait, sommes-nous les auteurs de notre propre existence ? Nul ne le sait, Lola Cam non plus. Cinq cœurs appartenant à ses aïeules sommeillent dans son armoire. Cinq cœurs de femmes, voire de mères mortes qui ne doivent jamais être ouverts. Des bouts de tissus autobiographiques renfermant les secrets les plus amers de celles qui l’ont précédée. Que faire si l’un d’eux éclate ? Est-il légitime de fouiller dans le cœur d’une mère, de plonger dans les profondeurs d’un puits sans fin ? Lola n’y touchera jamais, elle craint la malédiction. Elle préfère ne jamais les réveiller… jusqu’au jour où l’un d’eux, celui d’Inès Dolorès, son arrière-grand-mère, explose et prend la parole sans attendre la permission de l’héroïne. Aidée par la narratrice, Lola écoutera les confidences d’un cœur qui décide de battre à nouveau mais ses aveux répondront-ils aux « pourquoi » que Lola se pose depuis bien longtemps ou bien la ligoteront-elle davantage ? Pourra-t-elle donner à son propre cœur une raison de battre, pourra-t-elle s’aimer, avant toute autre chose, malgré son imperfection ? Qu’adviendra-t-il de ces roses fauves envahissantes, protectrices, de cette barrière d’épines qui réussit à la protéger, là où son père échoua ?

L’auteure dépose entre les mains de ses lecteurs un roman multiple par excellence. Ceci est visible dès le titre et ce, grâce à la polysémie des mots « rose » et « fauve ». En outre, cet ouvrage « quatre en un » retrace les aventures de quatre femmes, y compris l’histoire d’une narratrice romancière qui dévoile dans certains chapitres les différents processus de création de son œuvre, faisant ainsi de chacune le protagoniste de son propre récit. En effet, la narratrice devient l’amie de Lola Cam et entre-temps Lola rencontre William D.H., acteur qui interprète le rôle de Pierre, soldat de la Première Guerre Mondiale, amoureux de Marie qui est considérée comme une femme maudite.

Mêlant différents thèmes, allant des plus obscurs comme le harcèlement vers les plus lumineux comme l’acceptation de soi et le refus d’avoir un destin tracé par celles qui nous ont précédés, l’écrivaine, à l’aide de son personnage principal Lola, trace un chemin menant vers une existence heureuse, dépourvue de toutes chaines et surtout, libre du poids du passé.

Par le biais d’une plume poétique, Carole Martinez permet à ses lecteurs de s’infiltrer au sein du cœur d’Inès Dolorès et de prendre acte des souvenirs enfermés dans les pots de confitures de Mauricette pour construire le puzzle de l’histoire d’amour entre Pierre et Marie. De plus, l’exceptionnelle construction du roman, qui lie et délie les chapitres, donne l’opportunité aux lecteurs de lire différentes histoires, d’imaginer plusieurs scénarios et ainsi de faire la rencontre de nombreux protagonistes.

Lola Cam n’est pas la seule qui a besoin d’être sauvée. Pierre et Marie ne sont pas les uniques êtres au monde qui souhaitent que leur souvenir ne s’éteigne jamais. Inès Dolorès n’a pas déchiré son cœur pour rien. Est-ce pour prévenir, se confier, s’expliquer ou bien par simple courage ? Parce que, oui, il faut du courage pour ouvrir son cœur : pour celui qui parle, il n’est pas évident de se dévoiler et pour celui qui écoute, il n’est pas aisé de ne pas revivre ses propres malheurs. La narratrice avait besoin d’écrire, de coucher ses personnages entre de beaux draps blancs et de les couvrir de mots ou de maux. Nous sommes tous une Lola, un Pierre ou une Marie, une Inès ou une narratrice. Nous avons besoin d’être lus et écrits.

 

Rita-Maria Zghaib

Département de Littérature et Langue Françaises

FLSH, section 2

Université Libanaise

 Maud Simonnot

L’Enfant Céleste   

Éditions L’Observatoire, 2020 (176 pages)

 

L’évasion

 

Avec L’Enfant céleste – un roman court, formé de 164 pages – vous allez vous évadez dans le monde des astres et des étoiles.

 

Écrit par Maud Simonnot, éditrice et membre du comité de lecture des Éditions Gallimard, et publié par la maison d’édition L’Observateur, ce livre vous montrera l’importance d’accorder du temps à vous-mêmes, pour vous détendre.

 

L’Enfant céleste parle d’une femme, Mary, que son conjoint a quittée. Cette dernière était à deux doigts de la dépression suite à la séparation. De plus, l’échec scolaire de son fils Célian n’a pas facilité la tâche. Ne pouvant plus supporter son dur présent, elle décide de tout abandonner et d’aller passer des vacances avec son fils sur une île tropicale.  

 

L’auteur a pris le temps de décrire les moindres détails : en lisant ce roman, vous éprouverez la sensation que ces scènes se déroulent devant vous, tant la description est minutieuse. En vacances, la mère et son fils passent de très bons moments. Passionnés d’astronomie et surtout de Tycho Brahe (un astronome très célèbre du XVIIème siècle), ils se baladent de musée en musée à la découverte de nouvelles informations à propos de ce dernier.

 

Il est important de signaler que Célian a le ciel comme refuge. L’astronomie hante ses pensées. Ce dernier regarde constamment à la verticale et non pas horizontalement. Pour lui, le ciel est salvateur, c’est le seul endroit où il se sent bien et en sécurité.   

 

Pendant ces vacances, Mary fait la rencontre d’un très charmant jeune homme. Après avoir discuté et fait connaissance, tous deux passeront plusieurs nuits ensemble. Mais il n’y a rien de sérieux entre eux. À la fin du voyage, Mary s’est sentie enfin prête à tourner la page.

 

L’auteur nous montre que parfois tout abandonner et partir en vacances n’est pas une mauvaise chose. Effectivement, l’homme doit s’accorder du temps pour lui-même, afin de se retrouver, de remettre en question sa vie, son but et ses rêves.

 

Alors, chers lecteurs, quand tout ne tourne pas rond chez vous, n’hésitez pas à boucler vos valises et à réserver vos billets d’avion pour un voyage d’évasion.

 

Julie El Kazzi

Département de Langue et Littérature  Française

FLSH, Section 2

Université Libanaise

 

  

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